LâHistoire LâEurope, lâancienne, celle dâun vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et lâUnion europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont lâalpha et lâomĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, dâaffrontements, dâenthousiasmes, de dĂ©faites et dâespoirs. A lâheure oĂč certains doutent, oĂč dâautres nây croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle quâune mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment dâavenir. Câest donc dâune plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă la rĂ©alisation dâune Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Merci Ă Yvan de mâavoir incitĂ© Ă dĂ©couvrir ce livre Nous, lâEurope Banquet des peuples » de Laurent GaudĂ©. Lisez sa jolie chronique ici 1848, le Printemps des peuples » est la matrice originelle de lâidĂ©e europĂ©enne. Câest Ă ce moment prĂ©cis que Laurent GaudĂ© dĂ©bute son rĂ©cit sur lâaventure europĂ©enne dans son bel essai Nous, lâEurope Banquet des peuples . En 100 pages, Laurent GaudĂ© fait avec maestria le portrait dâune Europe qui est morte plusieurs fois avant de renaĂźtre Ă la vie. Victor Hugo prononce un discours lors du CongrĂšs des amis de la paix universelle »qui sâouvre le 21 aoĂ»t 1849 Ă Paris. LâĂ©crivain y prophĂ©tise lâeffacement des frontiĂšres sur la carte et des prĂ©jugĂ©s dans les cĆurs » et appelle de ses vĆux Ă la crĂ©ation des Ătats-Unis dâEurope », garants de la fraternitĂ© des hommes ». Cent soixante dix ans plus tard, toute proportion gardĂ©e, Laurent GaudĂ©, intellectuel et auteur brillant, tisse Ă nouveau la trame dâune Europe de fraternitĂ©, dâouverture et dâhumanisme quâil souhaite voir Ă©merger. Sa plume est pleine de verve de souffle lorsquâil invoque la colonisation, le pĂȘchĂ© originel dâune Europe dont les Ătats voulaient se partager le monde pour leur seul profit. Il Ă©voque aussi les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et de 1939-1945 qui saigneront des gĂ©nĂ©rations entiĂšres de jeunes europĂ©ens mais pas seulement songeons aux tirailleurs sĂ©nĂ©galais.. et puis cette impardonnable compromission avec le mal incarnĂ© par les rĂ©gimes fascistes, le national-socialisme.. Quid du communisme et de Staline dont les crimes sont ici passĂ©s sous silence, ce que je regrette profondĂ©ment. La Shoah bien sĂ»r, Ă©vĂ©nement traumatique face auquel nous restons tous sans mot tant lâhorreur est ici indicible. La chape de plomb communiste Ă lâEst, coupant lâEurope en deux jusquâĂ la chute du mur en 1989. Lâhistoire ne sâarrĂȘte pas lĂ puisque quelques annĂ©es plus tard la guerre sĂ©vit Ă nouveau en Europe, en Ex Yougoslavie cette fois, oĂč les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans sâentretuent. Laurent GaudĂ© a le don de rendre son texte clair et bien construit. Câest Ă un sursaut quâil nous incite pour faire vivre cette Europe trop technocratique Ă son goĂ»t, pas assez traversĂ© par le souffle de la jeunesse des peuples dâEurope. Je trouve trĂšs intĂ©ressant que Laurent GaudĂ© puisse prendre la plume afin de nous dĂ©voiler son dĂ©sir dâEurope. Bien sĂ»r, il y a une part dâutopie trĂšs importante dans son texte. On peut trouver cela naĂŻf mais lâon sent toute la sincĂ©ritĂ© de lâauteur. Jâai des divergences de point de vue sur sa vision » de lâhistoire europĂ©enne. La perception du monde de Laurent GaudĂ© est trĂšs trop bien pensante ». Je ne vais pas vous le cacher, sa perception candide de Mai 68 mâa heurtĂ©. Nous nâen sommes plus lĂ fort heureusement. Jâaurais souhaitĂ© voir Laurent GaudĂ© prendre davantage de risques quand Ă ses prises de position. Un peu Ă lâimage de ce que peut faire Michel Onfray par exemple. Jâai trouvĂ© ainsi dommage que sur les questions dâimmigrations, sujet polĂ©mique et pertinent sâil en est, avec ces clivages entre une Italie refusant les migrants, lâextrĂȘme droite Ă©tant au pouvoir et une position officielle française pour le moins ambiguĂ«.. jâaurais donc souhaitĂ© voir un humaniste tel que Laurent GaudĂ© prendre position de façon claire, le tout avec un propos ambitieux et salutaire. Hors lâauteur ne nous en dit pas plus sur ses solutions, doit-on accueillir tous ces ĂȘtres humains en souffrance ? le peut-on sans risquer la dĂ©stabilisation dâĂ©quilibres dĂ©jĂ prĂ©caires ? enfin, jâaurais aimĂ© quâil nous parle dâune Europe, qui nâest plus en paix, depuis que lâislamisme radical nous a dĂ©clarĂ© la guerre au nom dâune idĂ©ologie mortifĂšre. Quel place lâislam doit elle avoir en Europe ? Que faire face Ă la montĂ©e des populismes dâextrĂȘme gauche ou dâextrĂȘme droite ? Ceux sont des sujets trĂšs complexes et je comprends parfaitement que rĂ©pondre Ă ces interrogations auraient nĂ©cessitĂ© un travail diffĂ©rent. JâĂ©mets donc des rĂ©serves sur ce texte et surtout sur les derniers chapitres de Nous, lâEurope Banquet des peuples », je souligne la qualitĂ© littĂ©raire de ce rĂ©cit qui nâest pas sans rappeler, un autre auteur fascinant, aimant parler dâhistoire Eric Vuillard. Lire Laurent GaudĂ©, quoiquâil en soit, est toujours dâune infinie richesse intellectuelle. Son livre est bouillonnant et je le redis empli dâun souffle qui manque trop souvent Ă nos hommes et femmes politiques. A lire en ces temps troublĂ©s. Ma note 3,5 /5. BrochĂ© 182 pages Ăditeur Actes Sud 1 mai 2019 Collection Domaine français LâHistoire A la fin des annĂ©es 2060, la prĂ©sidente française de Transparence, une sociĂ©tĂ© du numĂ©rique implantĂ©e en terre sauvage dâIslande, est accusĂ©e par la police locale dâavoir orchestrĂ© son propre assassinat. Or au mĂȘme moment, son entreprise sâapprĂȘte Ă commercialiser le programme Endless, un projet rĂ©volutionnaire sur lâimmortalitĂ©, qui consiste Ă transplanter lâĂąme humaine dans une enveloppe corporelle artificielle. Alors que la planĂšte est gravement menacĂ©e par le rĂ©chauffement climatique, cette petite start-up qui est sur le point de prendre le contrĂŽle du secteur numĂ©rique pourra-t-elle sauver lâhumanitĂ© ? Avec son dernier livre Transparence , Marc Dugain signe un roman dâanticipation qui est aussi une satire de notre monde ou tout du moins de ce quâil sera en 2060. Avec fĂ©rocitĂ©, il sâattache Ă nous offrir un condensĂ© de ce pourquoi lâhumanitĂ© est en pĂ©ril. La cupiditĂ© des GAFA Google, Apple, Facebook, Amazon, lâargent vĂ©ritable veau dâor dâune sociĂ©tĂ© qui ne songe plus quâĂ dilapider les ressources de la planĂšte pour conserver son mode de vie occidental et son idĂ©al consumĂ©riste, la duplicitĂ© du monde politique et des diffĂ©rentes religions monothĂ©istes Ă ce titre le portrait fait de lâĂglise catholique et du Pape est dâune violence digne des brĂ»lots anti-clĂ©ricaux du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle au moment de la loi 1905 de sĂ©paration de lâĂglise et de lâĂtat. Transparence » est un pamphlet, câest sa force mais aussi sa limite tant le trait semble manquer parfois de nuance. A trop vilipender les responsables de cette situation catastrophique pour lâavenir de la planĂšte, de lâhumanitĂ© tout entiĂšre, Marc Dugain perd en luciditĂ©, en raisonnement, en complexitĂ© ce quâil traduit par un trait de plume acerbe, colĂ©rique et provocateur. Le style dâĂ©criture, point fort de ce grand auteur, est ici sans rĂ©el souffle. Ce qui au dĂ©part nous amuse, devient peu Ă peu redondant et, disons le, assez vain. Câest dommage car lâhistoire de cette petite sociĂ©tĂ© du numĂ©rique, transhumaniste, basĂ©e en Islande et dirigĂ©e par une Française qui grĂące au programme secret Endless » fait basculer le destin du monde, Ă©tait une belle idĂ©e. Trop court et caricatural pour ĂȘtre marquant, trop long pour susciter autre chose quâun ennui poli, jâai pour ma part trouvĂ© ce Transparence » trĂšs dĂ©cevant eu Ă©gard aux qualitĂ©s dâun Ă©crivain tel que Marc Dugain. Un rendez-vous manquĂ©. Ma note 3/5. BrochĂ© 224 pages Ăditeur Gallimard 25 avril 2019
autourde Nous, lâEurope, Banquet des peuples, le 13 juillet Ă 10h30, gratuit sur inscription : ateliers@ AUZET Roland Auzet compose et met en scĂšne des ouvrages de théùtre, de musique et dâopĂ©ra. Il transforme lâespace scĂ©nique en un lieu de perceptions oĂč le son et la parole parcourent une Ă©motion commune.
Nous, lâEurope banquets des peuples est de la mĂȘme veine que de Sang et de lumiĂšre. Indignation, colĂšre, passion ,la violence du verbe, le tout au service dâune poĂ©sie Ă©pique. Il mâest difficile dâĂȘtre objectif avec la poĂ©sie ou la prose de Laurent GaudĂ©tellement je la trouve juste Ă©prise dâun souffle incandescent, Jâai offert ce livre Ă lâune de mes filles en lui Ă©crivant un petit texte sur la page de garde. Ce sera ma chronique / critique de Nous, lâEurope banquets des peuples Par dessus les Flandres Et jusquâau cours du RhĂŽne Le banquet de lâEurope est une nĂ©cessitĂ© Depuis 4 gĂ©nĂ©rations lâEurope Ă survĂ©cu Ă la fin de lâĂšre industrielle, A une soif coloniale qui a dĂ©coupĂ© des territoires comme un damier A La cruautĂ© de deux guerres mondiales qui ont laminĂ© les hommes, A lâidĂ©e quâil pouvait y avoir des hommes infĂ©rieurs A La construction dâun mur A des dictatures sur les terres portugaises, espagnoles, grecques. LâEurope est revenu de tout malgrĂ© sa Technocratie, MalgrĂ© sa difficultĂ© Ă entendre les peuples Elle continue Ă mal entendre A mal entendre le ressac de la MĂ©diterranĂ©e A mal entendre le souffle des EuropĂ©ens. Les nationalistes parlent Ă ses frontiĂšres Et pourtant lâEurope nâa jamais Ă©tĂ© aussi nĂ©cessaire pour Ă©clairer le monde Alors nâayons pas peur des utopies, du partage, de lâinvention, des colĂšres salvatrices. Câest Ă cette gĂ©nĂ©ration , la vĂŽtre mais aussi encore un peu la nĂŽtre, Dâemporter notre Europe dans un fracas dâidĂ©es et de rĂȘver plus grand. Festoyez au Grand banquet des peuples. Navigation de lâarticle
Nous lâEurope, banquet des peuples : ressasser les erreurs du passĂ©. Replonger dans les souvenirs dâun passĂ© marquĂ© par de grands Ă©vĂšnements historiques ; Roland
Difficile dâĂȘtre optimiste en ces temps sombres. Nul besoin dâen Ă©grener les raisons, chacun sait. MĂȘme le ciel annonce la couleur grise. Avec les pluies destructrices de ces derniers jours, on se demanderait presque sâil nâest pas en train de nous tomber sur la tĂȘte, comme le craignait un certain village dâirrĂ©ductibles un livre me tombe entre les mains, par un hasard gracieux. Une pĂ©pite littĂ©raire qui insuffle espoir, envie et colĂšre - la bonne colĂšre !Il sâagit de Nous lâEurope - banquet des peuples, de Laurent GaudĂ©, paru en 2019. Nous, l'Europe - Banquet des peuples Comprendre ce quâest lâEuropeOn ne peut pas dire que la forme poĂ©tique ait le vent en poupe, de nos jours. Câest pourtant celle que lâauteur a choisie pour relater lâaventure europĂ©enne, reliant ainsi son rĂ©cit Ă la tradition homĂ©rique. Vent frais, joues rougies, menton constat de dĂ©part est le suivant Depuis quelque temps, lâEurope semble avoir oubliĂ© quâelle est la fille de lâĂ©popĂ©e et de lâutopie. Elle sâassĂšche de ne pas parvenir Ă le rappeler Ă ses citoyens. Trop lointaine, dĂ©sincarnĂ©e, elle ne suscite souvent quâun ennui dĂ©sabusĂ©. » Comment faire alors pour que surgisse Ă nouveau la passion europĂ©enne ? DĂ©jĂ , nous nâentendons plus le cri nĂ© sur les charniers de la Seconde Guerre mondiale Plus jamais ça ! » Vingt-sept nations dĂ©cidant de faire un grand banquet des peuples » ! Et si câĂ©tait grĂące Ă cette alliance que nous pouvions rĂ©soudre les crises majeures de notre temps ? Comprenons dâabord comment nous sommes nĂ©sâŠQue de rĂ©volutions au XIXe siĂšcle ! La locomotive, lâĂ©lectricitĂ©, lâindustrialisation de la sociĂ©tĂ©, la naissance du prolĂ©tariat⊠Câest sur lâexploitation du charbon, nous dit lâĂ©crivain, que lâEurope pousse ses racines. Toujours plus vite, plus fort ! Ătre les premiers, les meilleurs ! Partout, des voix sâĂ©lĂšvent pour conspuer lâidĂ©ologie de la domination et de la compĂ©titivitĂ© Victor Hugo, Karl Marx, Engels, Proudhon, Blanqui, Garibaldi⊠Elle existe, LâEurope des fuites en pleine nuit,/ LâEurope des communistes,/ Des anarchistes,/ Des penseurs sulfureux ». Car en Irlande, en Angleterre, en France, en Italie, LâEurope gronde/ Parce quâelle a faim/ Et sent bien que ce qui est nĂ© en ce siĂšcle/ Ne se nourrit que dâune chose/ La force de travail de ceux qui nâont rien. » Ces voix nây feront rien. Toujours plus vite, plus fort ! Ătre les premiers, les meilleurs ! Au dĂ©triment, toujours, des populations dĂ©favorisĂ©es. Et voici venir les carnages de la colonisation et des terres pillĂ©es, la Grande Guerre puis la Seconde, raffinement de lâhorreur. LâEurope ? Ă sec, en cendres, dĂ©sespĂ©rĂ©e. Mais de nouvelles voix sâĂ©lĂšvent Plus jamais ça ! ». Câest dans cette optique quâest fondĂ©e la CommunautĂ© EuropĂ©enne du Charbon et de lâAcier en face Ă la peur de lâĂ©trangerIl semblerait que, dĂ©jĂ , nous ayons oubliĂ©. Aujourdâhui les Ătats, doucement mais sĂ»rement, se replient Ă lâintĂ©rieur de barbelĂ©s nationalistes. Le 23 juin 2016, les Britanniques enclenchent le mouvement câest le Brexit. Quant aux mots Plus jamais ça », ils ressemblent Ă ceux de notre devise française leur sĂšve depuis longtemps les a quittĂ©s. On les prononce par habitude, sans plus savoir ce quâils veulent dire. En pratique chacun sa merde et chacun chez soi !La tragĂ©die des en MĂ©diterranĂ©e ne nous empĂȘche guĂšre de dormir. LâEurope semble bien impuissante Ă gĂ©rer la situation. Le Pacte sur la migration et lâasile, prĂ©sentĂ© le 23 septembre 2020 par la Commission europĂ©enne, ne va pas assez loin pour les ONG tandis quâelle indigne dĂ©jĂ les partis dâextrĂȘme droite aux quatre coins de lâUE[1].Regardons dans lâHexagone nous avons tant dâautres crises Ă gĂ©rer⊠Et elles sont lĂ©gitimes ! Et elles sont nombreuses ! Nul besoin dâen Ă©grener les termes, chacun sait. Et tandis que le sĂ©paratisme congestionne le dĂ©bat public, survient lâattentat de Conflans. Confusions, amalgames. RĂ©activation de la haine et de la peur, de tous nation qui a peur est une nation docile. Câest bien connu. Câest ainsi, aprĂšs tout, que nous soumettons les enfants. Vous souvenez-vous du pĂšre Fouettard ?Le terrorisme est une calamitĂ©. Son aspect spectaculaire et la peur quâil gĂ©nĂšre empĂȘchent sa gestion de maniĂšre rationnelle. Câest sa force. Lâeffroi nous empĂȘche de penser[2]. InstrumentalisĂ©e, la peur opĂšre comme un Ă©cran de fumĂ©e masquant un mal non moins dĂ©lĂ©tĂšre, plus ramifiĂ©, auxquels nous sommes habituĂ©s lâexploitation des pauvres par les classes dominantes. Une plaie qui alimente la misĂšre Ă©conomique dâoĂč naissent, inĂ©vitablement, les violences sociales. Mais lâorigine est plus insidieuse et les effets moins spectaculaires. Voici une question qui me ronge pourquoi cibler toujours lâ Ă©tranger » le musulman, le rĂ©fugiĂ©, lâarabe, car pris par la peur, nous les confondons parfois tous⊠et si peu lâescroc en cravate qui sâengraisse de lâexploitation des plus pauvres ? Ils sont Ă©lus, occupent les plus nobles fonctions et malgrĂ© les mises en examen, les accusations de viol et les fraudes, ils continuent de nous diriger ?La tragĂ©die des en MĂ©diterranĂ©e ne nous empĂȘche guĂšre de dormir car nous nâaccordons pas Ă ces populations un statut similaire au nĂŽtre. Ils ne sont pas de notre culture. Ils sont diffĂ©rents. Nous sommes indiffĂ©rents. Le processus de dĂ©shumanisation est Ă lâĆuvre. Le radeau de la mĂ©duse selon Banksy Quand est-ce que cela commence ?/ Lorsque les mots deviennent plus durs ?/ Lorsquâon commence Ă parler de gangrĂšne »,/ De vermine »,/ De parasites »/ Et de nettoyage » ?/ Avec lâeugĂ©nisme ?/ Les stĂ©rilisations forcĂ©es ?/ La race doit ĂȘtre pure/ Et la main dĂ©jĂ sâentraĂźne Ă tuer. » Câest de lâAllemagne des annĂ©es 1930 dont Laurent GaudĂ© nous parle dans ces vers. Pas de lâEurope du XXIe siĂšcle ! Et pourtant, quelles rĂ©sonnances avec aujourdâhuiâŠLâEurope ? Nous nây croyons plus. Nous nous replions sur nous-mĂȘmes. Il est devenu dur de se projeter. Tellement de choses Ă penser. Nuques courbĂ©es par le manque dâespoir. Comme sâil nây avait rien Ă faire. Comme si le capitalisme, lâoppression et la guerre Ă©taient les fondements inĂ©luctables de nos vies terrorisĂ©es. Le coronavirus, en ce sens, nâa rien arrangĂ©. Il faut ĂȘtre rĂ©aliste », entend-on souvent. Mais quâest-ce que cela veut dire, ĂȘtre rĂ©aliste ? Ne plus rĂȘver Ă mieux ? Ne plus ĂȘtre en colĂšre, ne plus se soulever ?Le livre de GaudĂ© rĂ©veille. Il raconte bien comment lâhyper-compĂ©titivitĂ© et le capitalisme nĂ©o-libĂ©ral essorent les hommes, les femmes et la terre. Si nous ne faisons rien, ce sera, inĂ©vitablement, la fin des ressources, lâexplosion des inĂ©galitĂ©s, la guerre. Et lâon veut nous faire croire que le flĂ©au câest lâĂ©tranger » ?Une Europe des LumiĂšres est-elle encore possible ?Macron et ses marcheurs sont pro-europĂ©ens. Mais de quelle Europe parlons-nous ? Un territoire de cinq cents millions dâhabitants,/ Qui a dĂ©cidĂ© dâabolir la peine de mort,/ De dĂ©fendre les libertĂ©s individuelles,/ De proclamer le droit dâaimer qui nous voulons,/ Libre de croire ou de ne pas croire./ Nous sommes humanistes et cela doit sâentendre dans nos choix. » Câest cela. Je suis prof. Je suis française et europĂ©enne. Câest lâidĂ©al que je mâapplique Ă a en elle la puissance de porter un projet dâavenir pĂ©renne, Ă©cologique, soutenu par une Ă©conomie mesurĂ©e. Elle nâaura de sens que si elle prend soin de/ ceux qui sâusent. » Exit lâidĂ©ologie de la domination ! Et pourtant, quâa-t-on entendu rĂ©cemment ? LâUE, Ă la traĂźne en matiĂšre de technologies numĂ©riques, doit affirmer son leadership sur le marchĂ© de la ⊠6G [3] ! Toujours plus vite ! Plus fort ! Soyons les meilleurs ! Les premiers ! Elle a la vie dure, cette ritournelle⊠Ils sont dĂ©jĂ en retard, ceux qui rĂąlent contre la 5G !Mediapart nous annonçait le 12 octobre quâune majoritĂ© dâeurodĂ©putĂ©s rĂ©clamait une taxe sur les transactions financiĂšres Ă partir de 2024 afin de financer la relance et des mesures du Green Deal. Bonne nouvelle ? Ce le serait, si Bercy nây opposait pas[4] !Les LumiĂšres, ce ne sont pas les innovations » technologiques Ă tout prix ! Et le prix sâannonce corsĂ©. Les LumiĂšres sont aux antipodes de lâidĂ©ologie de la concurrence et de la domination. Nous avons toute une littĂ©rature Ă mĂȘme de le prouver, pour qui souhaiterait se rĂ©clamer de Diderot ou Montesquieu⊠Pendant ce temps, les migrants meurent par milliers en MĂ©diterranĂ©e, et nous nâen voulons pas. Pourquoi sommes-nous si peureux ?/ Nous sommes cinq cent millions dâEuropĂ©ens,/ Et jamais ce nombre ne semble nous confĂ©rer de force ?/ Sommes-nous si fragiles ?/ Pour nous rassurer, nous nâavons quâĂ plonger notre regard dans celui des rĂ©fugiĂ©s./ LâEurope dans leurs yeux est une terre puissante/ Qui protĂšge,/ Et offre la promesse dâune vie choisie. »Nous avons besoin dâĂȘtre humanistes. Craindre lâautre alimente la montĂ©e des fascismes et de la tyrannie. De lĂ surgit la vraie barbarie. Lâhistoire de lâEurope nous lâa amplement prĂ©fĂšre alors Ă©couter la voix de Laurent GaudĂ©. Il faut Ă lâEurope lâĂ©lan des peuples » pour se tenir droite et digne. Câest de lâutopie » entendra-t-on dire. Mais pourquoi lâutopie a-t-elle si mauvaise presse ? Pourquoi ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ© ?Les voix qui luttaient hier, Hugo, Garibaldi, se font toujours entendre aujourdâhui. Des journalistes indĂ©pendants, des Ă©cologistes, des agriculteurs, des jeunes, des artistes, des humanitaires, bien dâautres encore, tous Ă leur façon rĂ©volutionnaires, luttent pour un monde meilleur, partout en Europe et au-delĂ des frontiĂšres[5]. Un monde meilleurâŠEt soudain je me rends compte que lâauteur de Nous lâEurope, banquet des peuples, vient de faire une chose incroyable me mettre en colĂšre, me passionner. Rouvrir mon horizon. Il faut le lire. Que lâardeur revienne./ Que lâEurope sâanime,/ Change,/ Et soit,/ Ă nouveau,/ Pour le monde entier,/ Le visage lumineux/ De lâaudace,/ De lâesprit,/ Et de la libertĂ©. »Nâest-ce pas cela, la vĂ©ritable essence des LumiĂšres ? Pour quâun jour, â rĂȘvons encore! - nous puissions nous asseoir Ă ce banquet des peuples, sous un ciel Ă©toilĂ©, comme aimait Ă le faire un certain village dâirrĂ©ductibles Gaulois.[1] On peut lire, Ă ce sujet, lâarticle de Denise Jodelet, Dynamiques sociales et formes de la peur », sur les mĂ©canismes de la peur et son instrumentalisation dans le discours mĂ©diatique et politique Voir et Je pense par exemple au navire de Banksy, le Louise Michel, dirigĂ© par la capitaine allemande Pia Klemp, parti en aoĂ»t dernier des cĂŽtes espagnoles afin dâaller secourir les migrants en MĂ©diterranĂ©e.
NOUS LâEUROPE, BANQUET DES PEUPLES â Laurent GaudĂ© Nous lâEurope : banquet des peuples, est un recueil de poĂšmes publiĂ© en 2019. Cet ouvrage est un plaidoyer pour lâidĂ©e dâEurope et la construction politique qui en dĂ©coule.
EDITO Janvier 2022 suite Galin Stoev, par sa mise en scĂšne inspirĂ©e de La Double inconstance, montrait encore une fois lâactualitĂ© du texte de Marivaux. Le sentiment amoureux devenait un sujet dâexpĂ©rimentation humaine entre les mains de puissants pervers. La scĂ©nographie Ă©tonnante, conçue par Alban Ho Van, dressait les contours dâun monde perverti oĂč le sujet, animĂ© par un amour vrai, devenait le cobaye dâune expĂ©rience cynique. DĂ©programmĂ© Ă deux reprises en raison du Covid, le spectacle reprend sa route avec une distribution renouvelĂ©e. Interview de Galin Stoev Ă retrouver ici. LâannĂ©e 2022 commence par un petit coup de pouce Ă une jeune compagnie Youâll Never Walk Alone. Son spectacle France, prĂ©sentĂ© dans le cadre de la 5Ăšme Ă©dition du Festival Traits dâUnion, dĂ©diĂ© Ă la jeune crĂ©ation, fait revivre lâaventure Ă©pique de la coupe du monde de football de 1998. Natacha Steck, la metteuse en scĂšne, revendique, Ă travers la trace laissĂ©e par cet Ă©vĂ©nement fĂ©dĂ©rateur et joyeux, une dĂ©marche collective au service de lâespoir et de la lumiĂšre. Pour elle, il est important de ne pas laisser le mot France » au Front National. Interview de Natacha Steck Ă retrouver ici. Interview de Hugo Seksig Garcia un des acteurs de lâĂ©quipe Ă retrouver ici. Enfin, la crĂ©ation La RĂ©ponse des hommes de Tiphaine Raffier est bien une des rĂ©ussites de la rentrĂ©e. Comme un miroir tendu vers notre humanitĂ©, le spectacle questionne notre propension Ă la bontĂ©, au sacrifice, et notre capacitĂ© aux petits arrangements avec la morale. Interview de Tiphaine Raffier Ă retrouver ici. Revenir au dĂ©but le lâarticle
LEurope, plus que jamais malmenĂ©e, soumise aux critiques, rongĂ©e par les nationalismes, semble ne plus faire rĂȘver. LâĂ©crivain Laurent GaudĂ© Ă©met lâhypothĂšse que le dĂ©sir sâest Ă©teint parce que le rĂ©cit
Nous, l'Europe. Banquet des peuplesL'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'enthousiasmes, de dĂ©faites et d'espoirs. A l'heure oĂč certains doutent, oĂč d'autres n'y croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle qu'une mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment d'avenir. C'est donc d'une plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©.
Nous lâEurope, Banquet des peuples, spectacle polyphonique, fait du public une assemblĂ©e de poĂštes-citoyens, acteurs dâun changement. Une mosaĂŻque de langues pour une Europe plurielle, oĂč lâart fortifie le politique, avec le vĆu que celui-ci considĂšre lâexistence de chacun. A chaque soirĂ©e une personnalitĂ© est invitĂ©e Ă venir dialoguer avec les acteurs.
⏠⏠AdresseTHEATRE DE L'ATELIER 1 Place Charles Dullin PARIS 18 75018 ArtistesRoland Auzet, Karina Beuthe, Agathe BioulĂšs , Robert Bouvier, Nina Dipla , Rodrigo Ferreira, Laurent GaudĂ©, Yasin Houicha, Dagmara Mrowiec-Matuszak, , Stanislas Roquette, ArtĂ©mis Stavridi, Thibault Vinçon Dates07/05/2022 2000 11/05/2022 2000 12/05/2022 2000 13/05/2022 2000 14/05/2022 2000 15/05/2022 1500 18/05/2022 2000 19/05/2022 2000 20/05/2022 2000 21/05/2022 2000 22/05/2022 1500 25/05/2022 2000 26/05/2022 2000 27/05/2022 2000 28/05/2022 2000 29/05/2022 1500 ïParisThéùtre ïDu 07/05/2022 Ă 2000 au 29/05/2022 Ă 1500NOUS L'EUROPE, BANQUET DES PEUPLES de Laurent GaudĂ© Conception, musique et mise en scĂšne Roland Auzet Avec Karina Beuthe Orr, Robert Bouvier, Nina Dipla / Artemis Stavridi, Rodrigo Ferreira, Yasin Houicha, Rose Martine, Dagmara Mrowiec-Matuszak, Stanislas Roquette, Thibault Vinçon, la NĂ©buleuse d'HIMA Faustine Berardo, Bro'Lee, Maxime Pillard & un ch ur prĂ©paration et cheffe de ch ur Agathe BioulĂšs CrĂ©ation Festival d'Avignon IN 2019, production dĂ©lĂ©guĂ©e l'Archipel, scĂšne nationale de Perpignan L'Europe c'est une gĂ©ographie qui veut devenir philosophie. Un passĂ© qui veut devenir boussole ». Laurent GaudĂ© Nous, l'Europe, Banquet des Peuples est une piĂšce de théùtre musicale nĂ©e d'une collaboration entre l'Ă©criture de Laurent GaudĂ© Prix Goncourt 2004 et la mise en scĂšne de Roland Auzet. Créée Ă l'occasion du Festival d'Avignon en 2019, elle est aujourd'hui sous le patronage de la Commission EuropĂ©enne et labellisĂ©e PFUE2022. Vaste fresque historique et politique, ce banquet festif rĂ©unit douze acteurs, chanteurs et performeurs venus de toute l'Europe. De Grands TĂ©moins seront invitĂ©s afin de partager leur vision de l'Europe. ScĂ©nographie Roland Auzet, Bernard Revel et Juliette Seigneur CrĂ©ation et rĂ©gie lumiĂšre Bernard Revel CrĂ©ation vidĂ©o Pierre Laniel Musiques Ă©lectroniques Daniele Guaschino Chansons composĂ©es et interprĂ©tĂ©es par La NĂ©buleuse d'HIMA Collaboration artistique Carmen Jolin Costumes Mireille Dessingy Assistant Ă la mise en scĂšne et surtitreur Victor Pavel RĂ©gie gĂ©nĂ©rale SĂ©verine Combes RĂ©gie son Julien Pittet RĂ©gie vidĂ©o Justin Artigues Critiques Presse Laurent GaudĂ© rallume la flamme de l'Europe ! » Le Temps Une mise en scĂšne ample, gĂ©nĂ©reuse, sophistiquĂ©e sans ĂȘtre prĂ©tentieuse [ ] et on a rarement vu, ou plutĂŽt entendu, une polyphonie aussi maitrisĂ©e, entre la parole, forte, portĂ©e par les comĂ©diens, dans toutes les langues europĂ©ennes, la musique, du chant de choral cĂ©leste au rock mĂ©tal ou Ă la brutale pop, et le son sous toutes ses formes. » Le Monde L'Ă©crivain Laurent GaudĂ© et le metteur en scĂšne Roland Auzet unissent leur force pour redonner le goĂ»t de l'Europe dans un spectacle musical revigorant. C'est l'une des rĂ©ussites les plus enthousiasmantes de ce dĂ©but de Festival d'Avignon. » La Croix Un spectacle puissant et festif, un poĂšme chantant aussi bien les convulsions que les trouĂ©es de lumiĂšres du rĂ©cit de l'Europe. » La DĂ©pĂȘche du Midi Créée au Festival d'Avignon l'Ă©tĂ© dernier, Nous, l'Europe, Banquet des peuples avait fait sensation. Ă raison. La mise en scĂšne de Roland Auzet du texte de Laurent GaudĂ© est spectaculaire. » La Nouvelle RĂ©publique
Lacolonisation baigne ici dans un halo romantique, utopique, qui promet Ă lâEurope, et Ă la France en particulier, des territoires oĂč ces peuples seront Ă mĂȘme de donner toute la mesure de leur avance civilisationnelle : « Prenez [lâAfrique], non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour lâindustrie ;
Lâune des crĂ©ations les plus attendues de ce Festival dâAvignon 2019 Ă©tait Nous, lâEurope, Banquet des Nations, spectacle prĂ©sentĂ© dans la Cour du LycĂ©e Saint-Joseph. Alors que dans la Cour dâHonneur du Palais des Papes Pascal Rambert et ses acteurs soulevaient la question du nationalisme Ă travers le portrait dâune famille dâartistes de la veille de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă celle de la Seconde, Laurent GaudĂ© et Roland Auzet choisissent de traiter la mĂȘme problĂ©matique Ă lâĂ©chelle europĂ©enne et non intime, avec des comĂ©diens de toute nationalitĂ©s. Ces spectacles sont comme lâenvers lâun de lâautre, leurs dĂ©fauts et leurs qualitĂ©s paraissant symĂ©triquement opposĂ©s si lâon en croit les retours qui ont entourĂ© lâaccueil dâArchitecture. Alors que la derniĂšre Ćuvre de Rambert est taxĂ©e dâĂȘtre bavarde mais que le jeu de ses acteurs est chaque fois louĂ©, la langue de GaudĂ© se distingue Ă nouveau par sa beautĂ© et sa justesse, au point presque de menacer toute possibilitĂ© de jeu pour les acteurs. Le 13 juillet au soir, le mistral souffle et fait sâenvoler les matelas posĂ©s avec la rĂ©gularitĂ© des croix dans les cimetiĂšres normands. Les rĂ©gisseurs qui viennent chaque fois les replacer ne rĂ©ussissent pas Ă les discipliner, et les matelas continueront de se dĂ©placer mĂȘme une fois le spectacle commencĂ©. Les acteurs, les chanteurs et le musicien qui sâinstalle Ă jardin derriĂšre sa batterie finissent nĂ©anmoins par arriver et occuper cet espace dâemblĂ©e troublĂ©, et crĂ©ent aussitĂŽt un effet de masse. Ils sont en effet 11 comĂ©diens, un chĆur, une maĂźtrise, et un autre chĆur de chanteurs amateurs. Toutes les couleurs quâils portent, les styles dâhabits quâils affichent et les Ăąges quâils laissent deviner donnent Ă voir une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© authentique. Pas un melting pot stylisĂ©, faux, mais bel et bien un Ă©chantillon, dont on ne sait pas exactement encore ce quâil reprĂ©sente Ă part nous-mĂȘmes. Quand commencent Ă parler les acteurs, cette diversitĂ© qui coexiste sur le plateau se confirme. Ils parlent français, anglais, polonais, espagnol, italien, arabe, portugais⊠bref une bonne partie des langues qui se parlent aujourdâhui en Europe. Micro HF Ă la joue, les acteurs sâattaquent Ă elle et la questionnent commençant par lâĂ©pisode le plus critique, ou du moins le plus actuel le Brexit, jamais nommĂ©, nĂ© dâun Non retentissant qui nâa toujours pas Ă©tĂ© actĂ©, que les autoritĂ©s en charge tentent de transformer en Oui, comme si le Non nâavait pas Ă©tĂ© entendu, ne convenait, nâavait Ă©tĂ© que la consĂ©quence dâune menace que lâon nâose pas exĂ©cuter. Câest Emmanuel Schwartz qui soulĂšve les contradictions de cette situation, et Ă©pice dâune touche de comique son absurditĂ© par le sel de sa personnalitĂ©. AprĂšs lui, Thibault Vinçon prend la parole et demande aux autres dâoĂč ils se sentent, et les amĂšne Ă dĂ©cliner les cercles concentriques de la gĂ©ographie qui les dĂ©finit. Ainsi commence le long poĂšme » de Laurent GaudĂ©, dĂ©signĂ© ainsi par lâauteur et le metteur en scĂšne alors que le titre du spectacle Ă©voque le genre du banquet, repas dâapparat mais aussi discussion Ă teneur philosophique dans la lignĂ©e de Platon. Le mot poĂšme met pluĂŽtt lâaccent sur la qualitĂ© de la langue de GaudĂ©, une langue Ă part, Ă la fois prĂ©cisĂ©ment Ă©crite et en mĂȘme temps intrinsĂšquement orale, qui appelle la mise en voix mais qui ne peut ĂȘtre articulĂ©e que de biais, entre le public, avec le soutien dâun micro, et les partenaires qui occupent le plateau, qui ne sont pas vraiment des interlocuteurs, encore moins des personnages, Ă peine des supports de cette parole qui se tient toute seule. Ce poĂšme donc, est scandĂ© par le chant â les choristes de lâOpĂ©ra du Grand Avignon restent tout au long du spectacle sur les cĂŽtĂ©s de la scĂšne quand ils ne viennent pas ponctuellement recrĂ©er lâeffet de masse initial â et par des intertitres projetĂ©s sur le panneau qui sert de fond, qui mettent en Ă©vidence la trajectoire historique suivie. Depuis le Brexit, les acteurs se mettent en quĂȘte du dĂ©but de lâEurope, de lâidĂ©e dâEurope aujourdâhui nommĂ©e Union EuropĂ©enne. On pense aussitĂŽt Ă lâaprĂšs-Seconde Guerre mondiale, mais GaudĂ© remonte plus loin, en 1848. Il voit dans le Printemps des peuples », les rĂ©volutions qui agitent en mĂȘme temps la France, lâAllemagne, lâItalie, la Hongrie, la Pologne et lâAutriche, les revendications similaires des travailleurs de pays diffĂ©rents, la naissance dâune conscience transfrontaliĂšre. Ceci posĂ©, il remonte encore le temps et propose Ă©galement 1830, lâinvention du chemin de fer, qui raccourcit les distances, fait gagner du temps, accĂ©lĂšre lâindustrialisation et envahit bientĂŽt toute lâEurope jusquâĂ la constituer en rĂ©seau. DostoĂŻevski, qui voyait dans cette invention une menace pour la civilisation russe, lâĂ©toile absinthe » de lâapocalypse que promet dâĂȘtre le XXe siĂšcle, aurait approuvĂ© ce point de dĂ©part â mais pour dĂ©plorer la suite. GaudĂ©, lui, sâen sert pour rejoindre le prĂ©sent de guerre en crise. Il Ă©voque la colonisation, le moment oĂč les pays riches se sont mis dâaccord pour se disputer la part du gĂąteau africain se posant comme seule rĂšgle de respecter les limites dâune autre influence », oĂč lâexploitation sâest substituĂ©e Ă lâesclavage, oĂč le Congo est devenu la propriĂ©tĂ© privĂ©e du roi des belges. Puis la montĂ©e du nationalisme Ă la veille des deux Guerres mondiales, la CommunautĂ© du Fer et de lâAcier, la Guerre froide, la guerre de Bosnie, et ainsi jusquâaux crises migratoires dâaujourdâhui. Mais GaudĂ© ne rappelle pas ces drames de lâhistoire pour critiquer lâEurope. Il veut au contraire rappeler lâutopie quâelle a Ă©tĂ©, les principes qui lâont fondĂ©e, ses valeurs dâorigine qui sont indiscutables la libertĂ© dâexpression, lâĂ©galitĂ©, lâabolition de la peine de mort, imposĂ©s comme prĂ©alables Ă la mise en place de la libre circulation et de la coopĂ©ration Ă©conomique. Pour ancrer le propos de GaudĂ©, le metteur en scĂšne Roland Auzet a choisi dâinviter chaque soir une personnalitĂ© diffĂ©rente qui a jouĂ© un rĂŽle dans le maintien et la dĂ©fense de lâUnion EuropĂ©enne. Le 13 juillet, lâinvitĂ© dâhonneur Ă©tait Eneko Landabaru, qui a fait partie de la Commission europĂ©enne, notamment en tant que Directeur gĂ©nĂ©ral de la Politique rĂ©gionale et de cohĂ©sion de la CommunautĂ©, et qui est aujourdâhui dĂ©putĂ© du Parlement basque. LâĂ©cartĂšlement dans lequel ses fonctions lâont pris entre la dĂ©fense de lâEurope et celle de lâidentitĂ© basque en dit long sur sa vision de lâEurope, non pas comme uniformisation des diffĂ©rences mais coexistence des richesses culturelles. Quand Eneko Landabaru monte sur scĂšne et prend le micro quâon lui tend, ce qui distingue une prise de parole artistique dâune prise de parole politique saute aux yeux. Sa façon de parler, de se tenir sur scĂšne, sont bien celles dâun homme politique. NĂ©anmoins, il nâest pas ici pour ĂȘtre jugĂ©, critiquĂ©, pointĂ© du doigt, mais au contraire accueilli comme un expert de la question, aussi porteur de rĂȘves et de regrets. Le plus grand regret quâil avoue rĂ©sonne avec force il est celui dâavoir fondĂ© lâEurope sur des principes avant tout Ă©conomiques, alors que dâautres choses auraient pu constituer un ferment plus sĂ»r pour lâUnion. Dâautres choses comme la culture. Le projet de GaudĂ© et Roland Auzet est justement de remĂ©dier Ă ce manque. Dans les notes dâintentions et entretiens qui entourent le spectacle, ils disent en effet cette ambition dĂ©mesurĂ©e de construire le rĂ©cit europĂ©en », de rĂ©pondre au besoin de rĂ©cit capable de fonder le sentiment dâappartenance qui selon eux fait aujourdâhui dĂ©faut Ă lâEurope â besoin de rĂ©cit qui transparaĂźt Ă chaque page du vaste catalogue du Festival Off⊠Pour construire ce rĂ©cit, ils Ă©crivent donc ensemble une histoire europĂ©enne qui se dit en plusieurs langues, en musique et en chant, et avec un peu de danse grĂące Ă Artemis Stavridi, trop peu mise Ă contribution. Ce qui est dommage dans ce vaste projet théùtral, câest quâil manque de théùtre justement, de corps et dâimages créées dans le temps unique de la reprĂ©sentation, qui pourraient servir de base Ă une sensibilitĂ© commune. Celles qui sont esquissĂ©es manquent de puissance, ne sont pas Ă la hauteur des mots de GaudĂ©, qui touchent profondĂ©ment quoique trop rapidement dans le flux du spectacle, de sa langue douĂ©e de formules qui loin de simplifier placent au cĆur des contradictions et mettent sur la voie de la complexitĂ© de lâhistoire et du prĂ©sent. Se fiant au texte de GaudĂ©, bien structurĂ©, bien rythmĂ©, parfois imprĂ©visible alors quâil paraĂźt suivre le cours de lâhistoire, qui se permet des dĂ©tours et des retours, Roland Auzet se donne en effet surtout pour tĂąche de diriger les comĂ©diens pour quâils sâemparent de ce poĂšme, quâils accompagnent de leur Ă©nergie cette langue Ă©pique. Ils y rĂ©ussissent et arrivent sans peine Ă nous entraĂźner dans cette Ă©popĂ©e, sans que lâon sache bien jusquâoĂč on ira comme ça. Car le problĂšme de ce voyage est bien de lâachever, de ramener Ă lâactualitĂ©, de lâouvrir au prĂ©sent. Alors que les chants du poĂšme de GaudĂ© disent Ă tout instant que chaque Ă©tape de constitution de lâEurope a Ă©tĂ© plurivoque, polyphonique, complexe, que les diffĂ©rentes langues des acteurs et les bouts dâhistoire quâils laissent entrevoir ont soulignĂ© la spĂ©cificitĂ© europĂ©enne, sa diversitĂ© qui est sa fragilitĂ© autant que sa force, le spectacle dâAuzet se termine littĂ©ralement Ă lâunisson. Il se laisse sĂ©duire par la facilitĂ© du chant en chĆur, qui nâest plus remarquable par toutes les voix diffĂ©rentes quâil fait entendre mais par lâeffet galvanisant quâil produit quand tout le monde chante les mĂȘmes notes en mĂȘme temps. Proposant de substituer Ă lâHymne Ă la joie un peu plan-plan une chanson connue de tous dont la mĂ©lodie entĂȘtante devrait rĂ©ussir Ă rĂ©insuffler Ă tous les pays dâEurope, mais surtout Ă tous les EuropĂ©ens, le mĂȘme Ă©lan qui manque aujourdâhui Ă faire vivre lâutopie europĂ©enne, les acteurs invitent les spectateurs Ă monter sur scĂšne et Ă sâunir Ă eux pour crĂ©er le mouvement dont lâEurope a besoin pour survivre. Lâentreprise est sĂ©duisante, mais malgrĂ© ce que dit GaudĂ©, on a du mal Ă croire quâune chanson fera la diffĂ©rence, et on prend le risque de passer pour sceptique en nâadhĂ©rant pas pleinement, convaincus quâau chant il aurait fallu prĂ©fĂ©rer des images et des corps plus prĂ©sents sur scĂšne, qui auraient pu prolonger la rĂ©flexion et lui donner le relief de la sensibilitĂ©. A dĂ©faut de cela, resteront de ce banquet les mots de GaudĂ© et la force avec laquelle les acteurs auront cherchĂ© Ă les faire retentir dans le mistral. F. Pour en savoir plus sur Nous, lâEurope⊠», rendez-vous sur le site du Festival dâAvignon.
Nousl'Europe, banquet des peuples. L'Europe, plus que jamais malmenĂ©e, soumise aux critiques, rongĂ©e par les nationalismes, semble ne plus faire rĂȘver. L'Ă©crivain Laurent GaudĂ© Ă©met l'hypothĂšse que le dĂ©sir s'est Ă©teint parce que le rĂ©cit europĂ©en n'a pas Ă©tĂ© encore Ă©crit et que, sans histoire, point de communautĂ©.
PubliĂ© le 27 avr. 2019 Ă 1300Mis Ă jour le 29 avr. 2019 Ă 1814En ce mois d'Ă©lections europĂ©ennes, Nous, l'Europe » tombe Ă point nommĂ©. A l'heure oĂč les dĂ©bats politiques s'enlisent dans des luttes politiciennes picrocholines, Ă une Ă©poque oĂč l'Union n'est plus un idĂ©al Ă chĂ©rir, mais, dans tous les discours, un bouc Ă©missaire Ă rĂ©former, restructurer, voire annihiler, le geste littĂ©raire de Laurent GaudĂ© en revient aux fondamentaux, Ă cette Ă©popĂ©e, sanglante, et Ă cette utopie, rayonnante, dont l'Europe est la fille aĂźnĂ©e, et que les citoyens semblent avoir proche, dans sa forme, de De sang et de lumiĂšre » que de Salina » ou Ecoutez nos dĂ©faites », Nous, l'Europe » - sous-titrĂ© Banquet des peuples » - est un long poĂšme, un souffle littĂ©raire sur les braises de l'Histoire. Partis de la rĂ©volution sicilienne de 1848, une annĂ©e charniĂšre qui en connaĂźtra d'autres, les vers libres de Laurent GaudĂ© - que Roland Auzet portera Ă la scĂšne lors du prochain Festival d'Avignon - Ă©grĂšnent, au long de quinze chapitres, ces Ă©vĂ©nements qui ont façonnĂ© l'Europe et ses peuples, de l'avĂšnement du chemin de fer au retour des survivants de la Shoah, en passant par la colonisation forcenĂ©e, les deux conflits mondiaux et les Ă©lans rĂ©volutionnaires qui ont, çà et lĂ , trahi les envies de libertĂ© des hommes et causĂ© la perte de leurs dirigeants, sombres ou communeJamais eurobĂ©at, tant s'en faut, l'Ă©crivain n'enjolive rien, mais prend une hauteur salutaire et met en perspective. Il porte la plume dans la plaie pour dĂ©crire les coups de gĂ©nie et les errements mortifĂšres, les tentatives de rĂ©conciliation et les pulsions de domination, et rĂ©vĂ©ler cet hĂ©ritage collectif, cette fondation commune, dont l'oubli menace aujourd'hui l'Ă©difice tout entier. Ce que nous partageons/C'est d'avoir traversĂ© le feu,/D'avoir Ă©tĂ©, chacun,/Bourreau et victime,/Jeunesse bĂąillonnĂ©e et mains couvertes de sang. »Avec sa plume ardente, souvent sans concessions, il n'adopte pas la posture de l'historien, mais celle du poĂšte qui, comme Mark Twain et Arthur Conan Doyle en leur temps, n'hĂ©site pas Ă dĂ©noncer les bourreaux, de LĂ©opold II Ă Lothar von Trotha, de Milosevic Ă PĂ©tain, de Mussolini Ă Hitler, sur les noms de qui il invite Ă cracher ». Loin de livrer un simple exposĂ© factuel, dĂ©monstratif, il prĂ©fĂšre rĂ©injecter de la sĂšve, humaine, montrer que le rĂ©cit europĂ©en est une histoire de muscles, de verve, de ferveur, de colĂšre et de joies », comme il l'Ă©crit en prĂ©ambule, loin, trĂšs loin, de l'ennui dĂ©sabusĂ© » qu'elle suscite aujourd'hui. Il fallait bien cela pour tenter de rĂ©animer ce cadavre europĂ©en, dĂ©sormais Ă la l'Europede Laurent GaudĂ©Actes Sud192 pages, 17,80 euros, sortie le 2 mai VincentBouquet
Nous lâEurope, Banquet des peuples,câest en somme un spectacle politique, musi- cal, visuel, Ă©pique, donnĂ© en outre dans un lieu qui joue du gigantesque, la cour du lycĂ©e Saint Joseph Avignon. Cela nâest pas sans rappeler le spectacle que devait ĂȘtre la tragĂ©die antique. Ajoutons la prĂ©sence du chĆur, dâun coryphĂ©e et de musi- ciens.
LâEurope fut au cĆur de nombreux spectacles du Festival dâAvignon 2019 aussi bien dans la programmation du In que dans celle du Off, Ă travers des spectacles dont le trĂšs attendu Nous lâEurope. Banquet des peuples, interrogeant directement lâhistoire de la construction europĂ©enne, ainsi que son fonctionnement actuel, mais aussi via la thĂ©matique de lâOdyssĂ©e retenue cette annĂ©e dans le In, multipliant les questionnements sur lâexil et les migrations. Mettre lâEurope en scĂšne, comment voulez-vous intĂ©resser le spectateur avec un tel sujet ? », sâinterrogent plusieurs des six comĂ©diens europĂ©ens dans Nous, le peuple europĂ©en, six personnages en quĂȘte dâEurope qui se jouait dans le off, mettant en scĂšne de jeunes citoyens europĂ©ens dĂ©sireux de voir lâUnion europĂ©enne rĂ©pondre aux grands dĂ©fis du XXIe siĂšcle1. Câest la mĂȘme question quâaurait pu se poser Roland Auzet en voulant adapter lâessai de Laurent GaudĂ©, Nous lâEurope. Banquet des peuples, lâauteur prolixe de romans et théùtre, ayant optĂ© pour une fois pour un court rĂ©cit poĂ©tique narratif en vers libres, considĂ©rant que le rĂȘve europĂ©en a besoin de dĂ©sir » et quâil mourra sâil nâest plus quâune liste sĂšche de lĂ©gislations, de normes et dâĂ©changes commerciaux ». Il faut souligner quâil ne sâagit pas dâun essai opportuniste, car ce nâest pas la premiĂšre fois que lâauteur sâintĂ©resse aux questions europĂ©ennes, notamment Ă celles relatives Ă la gestion des frontiĂšres et ses consĂ©quences effroyables en mer MĂ©diterranĂ©e2. Que lâEurope ait besoin dâun rĂ©cit aux deux sens du terme ne fait pas de doute et le rĂ©cit littĂ©raire est incontestablement rĂ©ussi. DĂšs la premiĂšre phrase de son ouvrage, lâauteur part du constat que lâEurope semble avoir oubliĂ© quâelle est la fille de lâĂ©popĂ©e et de lâutopie » et quâelle sâassĂšche de ne pas parvenir Ă la rappeler Ă ses citoyens » car trop lointaine, dĂ©sincarnĂ©e, elle ne suscite souvent plus quâun ennui dĂ©sabusĂ© »3. Sâensuivent des interrogations sur notre identitĂ©, notre passĂ©, les contradictions de ce continent qui a inventĂ© des cauchemars », mais a aussi fait naĂźtre des lumiĂšres qui ont Ă©clairĂ© le monde entier », et lâexpĂ©rience douloureuse de la frontiĂšre ». Curieusement, il est fait rĂ©fĂ©rence sâagissant du bilan de cette aventure politique » Ă 27 nations et non 28, comme si le Royaume-Uni avait dĂ©jĂ quittĂ© lâUnion europĂ©enne, anticipation peut-ĂȘtre pour ne pas prendre le risque de publier un texte rapidement datĂ© par rapport Ă lâĂ©chĂ©ance du Brexit initialement prĂ©vue. Laurent GaudĂ© revient longuement sur la construction historique des Ătats europĂ©ens et condamne tous les responsables des catastrophes diverses en invitant le lecteur Ă cracher » sur leurs noms, ce qui sera repris avec emphase dans lâadaptation théùtrale, puis â contrairement Ă ce que lâon aurait pu supposer â livre plus rapidement sa vision de lâEurope en tant que construction juridique, ses attentes déçues, mais aussi sa foi dans cette grande aventure. Raconter notre Ă©popĂ©e commune et le faire avec passion »4 est une recommandation certainement retenue comme point de dĂ©part par Roland AuzĂ©, qui avait dĂ©jĂ adaptĂ© lâun des textes de théùtre Mille orphelins de Laurent GaudĂ©. NĂ©anmoins, lâadaptation théùtrale est dâemblĂ©e plus ambiguĂ«. Elle dĂ©marre avec la prĂ©sence des 11 acteurs et musiciens sur le plateau et de la cinquantaine de choristes de la maĂźtrise de lâOpĂ©ra Grand Avignon et dâamateurs, des matelas gris au sol, qui serviront de lieux de chute et dâamoncellement notamment contre un Ă©cran gĂ©ant dâabord en fond de scĂšne, puis qui avance menaçant et se dĂ©portant latĂ©ralement pour laisser place Ă lâexplosion des sons et de la colĂšre dâune batterie Vincent Kreydder et guitare Ă©lectrique Karoline Rose furieuses livrant certains intermĂšdes dignes dâun concert de mĂ©tal et investissant superbement lâimmense espace scĂ©nique de la cour du lycĂ©e Saint-Joseph. Lâun des principaux et Ă©poustouflants comĂ©diens, Emmanuel Schwartz, nous invective en guise de prologue ou de chapitre introductif inĂ©dit On avait dit non ! ⊠On nous a posĂ© la question oui ou non ? ⊠En fait, pour ou contre. ⊠On a dit non et on a fait en sorte que ce soit oui ». En quelques minutes sur ce registre, le public comprend bien entendu quâil sâagit du rĂ©fĂ©rendum de mai 2005 sur la constitution pour lâEurope dont le rĂ©sultat a Ă©tĂ© contournĂ© par le traitĂ© de Lisbonne de 2007, et il approuve lâarrogance et le mĂ©pris quâaurait eu lâEurope dans cet escamotage de la voie des urnes », qui lui est théùtralement offerte sur un plateau⊠Cette adresse trĂšs dĂ©magogique au peuple-spectateur en ces temps de remise en cause de lâUnion europĂ©enne, transforme la noble passion en haine dont elle est toujours si voisine. Le propos de Laurent GaudĂ© Ă©vitait ce glissement fĂącheux, en Ă©tant plus fin et plus proche des rĂ©flexions menĂ©es dans les cercles et supports de rĂ©flexion politique et juridique qui ne mĂ©nagent pas lâanalyse critique5, mais sans lâorienter de maniĂšre Ă flatter les populismes. Durant lâheure et demie suivante, le texte est en revanche suivi presque Ă la lettre, de la constitution des Nations Ă partir de la rĂ©volte de Palerme de 1848 au plus jamais çà » en passant par la colonisation et le passeport Nansen, Ă©tapes ponctuĂ©es par la voix magique du contre-tĂ©nor Rodrigo Ferreira et dâun chĆur au sens musical et au sens du théùtre antique, qui ajoutent au lyrisme de lâĂ©crit, dont certains extraits sont projetĂ©s sur un Ă©cran mobile quand ils sont prononcĂ©s par les comĂ©diens coryphĂ©es » dans dâautres langues que le français. Il y a Ă©galement quelques ajouts, en particulier les interrogatoires rĂ©currents relatifs Ă la procĂ©dure dâasile. Le spectacle bascule quand montent du premier rang des spectateurs, les grands tĂ©moins » du soir, car Roland AuzĂ© a envisagĂ© en intermĂšde la participation de personnalitĂ©s politiques ou hauts fonctionnaires de la construction europĂ©enne, comme François Hollande le 6 juillet, soir de la crĂ©ation de la piĂšce, ou Pascal Lamy et GeneviĂšve Pons le 9 juillet, qui sont interrogĂ©s par les comĂ©diens eux-mĂȘmes sur leur vision de lâEurope qui est, par exemple pour lâancien commissaire europĂ©en et directeur de lâOMC, lâendroit le plus civilisĂ© au monde », celui oĂč il y a de la libertĂ© et de la solidaritĂ© », et la meilleure protection des donnĂ©es » et oĂč il fait bon vivre »⊠Lâon peut lĂ©gitimement sâinterroger sur le sens de telles interventions qui dĂ©stabilisent nĂ©cessairement les spectateurs, aussi bien ceux qui se sentaient flattĂ©s par le point de dĂ©part du spectacle que les europĂ©anistes les plus convaincus, les uns et les autres Ă©tonnĂ©s de cette percĂ©e du politiquement correct, de la mise en valeur de ce qui Ă©tait artistiquement dĂ©noncĂ©, Ă tort ou Ă raison, lâheure prĂ©cĂ©dente et qui sur le plan dramaturgique casse complĂštement le dĂ©roulĂ© et lâesthĂ©tique du spectacle. Un spectateur exaspĂ©rĂ© sâest en outre permis dâinterpeller Pascal Lamy sur son inaction en matiĂšre de politique sociale, aprĂšs que ce dernier a rĂ©pondu que son seul regret personnel Ă©tait de ne pas avoir portĂ© assez dâattention au volet culturel⊠à la suite de cette intervention spontanĂ©e copieusement applaudie, le spectacle a repris tant bien que mal, mais la magie a disparu. Lâhymne de la neuviĂšme symphonie de Beethoven est remplacĂ© par le chant rĂ©sistant Bella Ciao et, quelques scĂšnes plus tard, le plateau en liesse invite les spectateurs Ă rejoindre les comĂ©diens sur scĂšne pour danser et chanter sur Hey Jude des Beatles et ainsi concrĂ©tiser lâidĂ©e du ĂȘtre-ensemble »⊠Câest donc cela le banquet des peuples ? Nous lâEurope. Banquet des peuples de Laurent GaudĂ©, mis en scĂšne par Roland Auzet DR
Point sur les engagements et rĂšgles de fonctionnement du groupe ; rappel des objectifs et des productions attendues ; - Explicitation des termes de la thĂ©matique retenue pour la France : Peuples premiers et impacts de la technologie ; - ActivitĂ© : Etude dâun artile de presse + Proposition de rĂ©dation dâun artile de la DĂ©claration ;
Du 6 au 14 juillet, Ă 22 heuresCour du LycĂ©e Saint-Joseph, 62 rue des Lices, 84000 Avignon Nous, lâEurope, Banquet des peuples © Christophe Raynaud de Lage ***Libre Théùtre vous recommande ce spectacle Comment un non » a Ă©tĂ© transformĂ© en oui » par de petits arrangements dâarriĂšre-cour ? Pourquoi nous autres, EuropĂ©ens, sommes-nous une foule plutĂŽt quâun peuple ? LâEurope est nĂ©e de drames que lâon a voulu dĂ©dramatiser. La prudence et lâennui sont Ă lâĆuvre. Laurent GaudĂ©, tel un aĂšde, nous conte lâodyssĂ©e de la construction europĂ©enne afin que notre passĂ© devienne notre boussole, que nous construisions ensemble ce que nous voulons ĂȘtre, que nous retrouvions un langage commun, une Ă©thique propre. Il cherche dâabord lâorigine de lâEurope. Et dire dâoĂč vient lâEurope nâest pas innocent naĂźt-elle en 1848 quand Palerme se soulĂšve, en 1830 avec le dĂ©but de la rĂ©volution industrielle ? La superbe mise en scĂšne de Roland Auzet, qui signe aussi la partition musicale, donne corps au poĂšme de Laurent GaudĂ© avec onze comĂ©diens, danseurs et chanteurs de nationalitĂ©s diffĂ©rentes, onze voix europĂ©ennes incarnant les protagonistes de ce rĂ©cit des origines. Comme dans les tragĂ©dies antiques, le ChĆur et la MaĂźtrise de lâOpĂ©ra du Grand Avignon donnent des respirations au spectacle, et commentent lâaction, tout en symbolisant sa dimension collective et fraternelle. Et quand la rage est lĂ , quand sont Ă©voquĂ©s les cataclysmes qui ont prĂ©cĂ©dĂ© la naissance de cette belle idĂ©e, quand sont citĂ©s les noms de ceux qui ont pillĂ© lâAfrique ou dĂ©cidĂ© de la solution finale crachez sur leurs noms !», ces chĆurs font place aux hurlements dâune guitare et au tonnerre dâune batterie dâun duo de mĂ©tal en fusion, nĂ©cessaire exutoire pour Ă©vacuer la spectacle lyrique et politique de Ruth Martinez Avec Robert Bouvier, Rodrigo Ferreira, Olwen FouĂ©rĂ©, Vincent Kreyder, Mounir Margoum, Rose Martine, Dagmara Mrowiec-Matuszak, Karoline Rose, Emmanuel Schwartz, Artemis Stavridi, Thibault VinçonEt le Choeur de lâOpĂ©ra Grand Avignon et quarante chanteurs amateurset chaque soir un grand tĂ©moin Susan George Ătats-Unis / France,Ulrike GuĂ©rot Allemagne, François Hollande France, Pascal Lamy France, Eneko Landaburu Espagne, Enrico Letta Italie, Luuk van Middelaar Pays-Bas, GeneviĂšve Pons France Texte Laurent GaudĂ© Conception, musique, mise en scĂšne Roland AuzetScĂ©nographie Roland Auzet, Bernard Revel, Juliette Seigneur, Jean-Marc Beau LumiĂšre Bernard RevelChorĂ©graphie JoĂ«lle BouvierVidĂ©o Pierre Laniel Musiques Ă©lectroniques Daniele GuaschinoCostumes Mireille Dessingy Collaboration artistique Carmen JolinAssistanat mise en scĂšne Victor Pavel Lien vers le site du Festival dâAvignon
Europe Créé lors du Festival dâAvignon, Nous, lâEurope, banquet des peuples entame une longue tournĂ©e dans toute la France, avec une sĂ©rie au Théùtre GĂ©rard Philipe, Centre dramatique national de Saint-Denis du 25 mars au 2 avril (Lire la critique de Juliette Nadal).
De Laurent GaudĂ© Conception et mise en scĂšne Roland Auzet compagnie ACTopus Avec Robert Bouvier, Rodrigo Ferreira, Olwen FouĂ©rĂ©, Vincent Kreyder, Mounir Margoum, Rose Martine, Dagmara Mrowiec-Matuszak, Karoline Rose, Emmanuel Schwartz, Artemis Stavridi, Thibault Vinçon et un chĆur Production dĂ©lĂ©guĂ©e LâArchipel â scĂšne nationale de Perpignan TournĂ©e 2021 / 2022 les 16 et 17 dĂ©cembre 2021 OpĂ©ra de Limoges les 6 et 7 janvier 2022 Théùtres en DracĂ©nie, Draguignan du 12 au 16 janvier 2022 Théùtre GĂ©rard Philipe, CDN de Saint-Denis du 19 au 21 janvier 2022 La ComĂ©die de Clermont Ferrand le 4 fĂ©vrier 2022 Théùtre MoliĂšre SĂšte, scĂšne nationale archipel de Thau le 16 fĂ©vrier 2022 Konzert Theater, Berne, Suisse du 7 au 29 mai 2022 Théùtre de lâAtelier, Paris
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